Article rédigé par Thierry Fedrigo, publié dans Le Républicain Lorrain le 24 novembre 2025.
La version originale est accessible sur le site du journal.
Pour les Lorrains, le Luxembourg est attractif à bien des égards. Au premier chef de ses atouts, les salaires. L’Insee Grand Est vient de dévoiler les différences de rémunérations entre la France et le Grand-Duché et elles sont énormes. Un travailleur frontalier gagne, en moyenne, 65 % de plus en franchissant la frontière. Dans certains secteurs comme la santé, ce pourcentage est encore plus élevé.
S’ils sont des milliers à s’entasser dans des trains inconfortables chaque matin , s’ils sont des centaines à risquer leur peau sur des routes congestionnées chaque jour, ce n’est pas sans raison, ou par pur masochisme. Le Luxembourg reste l’Eldorado pour tous les travailleurs en quête d’un salaire meilleur et d’un pouvoir d’achat préservé. Avec l’inflation, la stagnation des rémunérations, la précarité des carrières et cette fâcheuse tendance à sous-payer ses jeunes diplômés, la France ne parvient pas à retenir ces forces vives. Et l’hémorragie ne date pas d’hier. Selon l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGS) luxembourgeoise, en dix ans, sur la période 2013-2023, le nombre de personnes résidant en France et travaillant au Luxembourg a augmenté de 53 %, s’établissant à 121 800 travailleurs frontaliers en 2023.

Le point noir des transports n’arrête pas les travailleurs frontaliers qui trouvent au Luxembourg de meilleurs traitements et conditions de travail. Photo Philippe Neu
Dans certains secteurs… 103%
Une population attirĂ©e par la promesse de revenus sans Ă©gal dans l’Union europĂ©enne. Dans une Ă©tude diffusĂ©e ce lundi 24 novembre, l’Insee Grand Est dĂ©voile ces Ă©normes diffĂ©rences de rĂ©munĂ©rations entre la France et le Grand-DuchĂ©. Les actifs habitant en Moselle, Meurthe-et-Moselle et Meuse gagnent, en effet, 65 % de plus en moyenne, en franchissant la frontière.
Dans certains secteurs comme la santé, ce pourcentage est encore plus élevé, montant à 103 %. Infirmières, aides-soignantes, médecins… sont ainsi aspirés par les établissements de santé et médico-sociaux luxembourgeois qui offrent, non seulement un salaire digne de ce nom, mais également d’excellentes conditions de travail et des avantages sociaux pour les familles.
Les femmes avantagées
L’Insee note ainsi que si le « gain salarial est de +103 % en moyenne dans le secteur de la santé et de l’action sociale », il grimpe « à +138 % pour les femmes détenant un bac + 3 ou un bac + 4 (techniciennes âgées de 40 à 49 ans) ». Soit, un salaire annuel de 58 590 euros au Luxembourg, contre 24 590 € dans le Nord Lorrain. Plus du double. Les femmes sont plus avantagées au Luxembourg qu’en France : « Elles gagnent 76 % de plus en moyenne, alors que le gain salarial des hommes est de 55 % », pointe l’Insee.
À emploi identique, les salaires dans la construction sont aussi 41 % supérieurs à ceux pratiqués en France. La finance est, elle, à +94 % et l’industrie à +40 %. Avec un taux de chômage proche de 6 % en octobre, plus les métiers sont en tension, plus le Luxembourg paye. Dans l’industrie, le salaire moyen est ainsi de 34 810 €/an, contre 24 320 €/an en Lorraine. Le salaire moyen dans le secteur financier, très développé au Luxembourg, dépasse les 69 800 €/an contre 36 020 €/an côté français.
Un salarié gagnera toujours plus qu’en France
Quelle que soit sa catégorie socioprofessionnelle, un salarié touchera toujours plus d’argent qu’en France. Le salaire moyen pour un cadre est de 69 490 €/an au Luxembourg contre 44 940 €/an en France. « Les frontaliers cadres de 40 à 49 ans, détenant un bac + 5, gagnent en moyenne 77 % de plus que les non-frontaliers », souligne l’Insee. Un employé double, en général, son salaire qui passe de 21 820 €/an s’il restait en France à 41 990 €/an s’il saute la frontière. Un ouvrier qualifié, lui, reçoit, toujours en moyenne, 10 000 euros par an en plus (23 750 €/an en France contre 33 760 €/an au Luxembourg).
Les diplômes sont aussi mieux reconnus. Un Bac + 2 peut prétendre à une rétribution de 50 030 €/an en moyenne (30 040 €/an en Lorraine), un Bac + 3 et +4, de 54 290 €/an (31 680 €/an), un Bac + 5, de 64 300 €/an (43 460 €/an). Le niveau d’études n’est pas un blocage sur la feuille de paie. Le petit pays rémunère également correctement les moins formés : BEPC, 38 700 €/an (24 770 €/an en France) ; BEP-CAP, 37 240 €/an (24 220 €/an) ; Bac, 39 220 €/an (25 580 €/an).
Pourquoi ces salaires ?
Plusieurs facteurs expliquent ces écarts salariaux. D’abord, l’équivalent du SMIC au Luxembourg, le Salaire Minimum Social (SSM), est beaucoup plus élevé qu’en France (1 801,80 € brut/mois). Pour un travailleur non qualifié, il est au Luxembourg de 2 703,74 € brut/mois, pour un travailleur qualifié, de 3 244,48 € brut/mois, soit autour de 2 500 € net. Cette base plus importante sert de socle au calcul des salaires supérieurs. Autre particularité luxembourgeoise, les salaires suivent automatiquement la courbe de l’inflation.
On travaille aussi davantage au Luxembourg. La durée légale du temps de travail y est de 40 heures par semaine (35 heures en France). Chaque salarié y dispose au minimum de 26 jours ouvrables de congés payés par an. Enfin, pour ceux qui seraient tentés par l’aventure sachez que l’Agence luxembourgeoise pour le développement de l’emploi (Adem) a annoncé le jeudi 20 novembre, une hausse de 7,8 % des postes à pourvoir en octobre de cette année par rapport à octobre 2024. Soit, 7 218 emplois à saisir.

